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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 02:00

O

n vante sa pureté, et on l’oppose aux fantaisies plus ou moins exotiques que nous voyons aujourd’hui dans le polythéisme.

 

Voyez par exemple avec quelle familiarité impertinente Offenbach traite les frasques des dieux de l’Olympe. Ils apparaissent si proches de nous que nous ne pouvons évidemment qu’en rire.

 

Pourtant le polythéisme a fait beaucoup moins de mal dans l’histoire des hommes que le monothéisme.

 

En effet, quand la puissance suprême est divisée entre plusieurs dieux, qui souvent se disputent entre eux, l’homme en devient plus indécis, plus prudent, plus relativiste. Par exemple le partage des dieux en deux camps dans l’Iliade, ceux qui soutiennent les Grecs et ceux qui soutiennent les Troyens, mène à penser aussi à un général partage des valeurs, une ambiguïté axiologique fondamentale, à l’opposé total du manichéisme. Par voie de conséquence l’homme est moins porté à imposer aux autres une volonté qui émanerait d’un dieu unique dont il s’imaginerait le détenteur et très souvent le bras armé.

 

Certes il y a eu des guerres dans le monde antique, par exemple celle qui opposa Sparte à Athènes. Mais le motif n’en était pas du tout religieux. À l’inverse, le monothéisme a très souvent été instrumentalisé et transposé dans le domaine politique, d’où des guerres dites « saintes », où chacun, sûr de son bon droit et d’être l’agent de la volonté d’un Dieu unique, a étripé un adversaire senti comme un ennemi de ce point de vue. Croisades et Djihad belliqueux obéissent au même schéma.

 

Et à l’intérieur même de chaque religion monothéiste se sont produits des conflits sanglants : catholiques contre protestants en christianisme, chiites contre sunnites en islam, etc. Dans le monde antique au contraire la notion d’hérésie n’existait pas. Quand un nouveau dieu apparaissait, les Romains s’empressaient, non de l’atta­quer, mais de l’intégrer dans leur panthéon, fidèles en cela à la belle devise de Symmaque :

 

« Uno itinere non potest perveniri ad tam grande secretum       
– On ne peut parvenir à un si grand mystère par une seule voie. »

 

Je conseille à mes lecteurs de lire là-dessus les ouvrages de Jacques Soler, comme Le Sourire d’Homère (2014), et Dieu et moi (2017). Voir en particulier l’interview qu’il a donnée au Point sur la supériorité, même aux yeux de l’athée qu’il est, du polythéisme par rapport au monothéisme (Lepoint.fr, 21/03/2017).

 

Article paru dans Golias Hebdo, 21 septembre 2017

 

#Monothéisme. #Polythéisme. #Violence. #Intolérance. #Fanatisme.
D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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15 novembre 2023 3 15 /11 /novembre /2023 02:00

L

a liquéfaction du sang de saint Janvier, dont l’ampoule se trouve dans la cathédrale de Naples, devait se produire comme tous les ans le 16 décembre, anniversaire de l’éruption du Vésuve qui avait épargné la ville en 1631. Or elle ne s’est pas produite, et les Napolitains sont inquiets, car c’est un très mauvais présage. Toutes les fois que cet événement est arrivé, de graves catastrophes ont suivi (Source : France Inter, 13-14, 16/12/2020).

 

Pourtant la science explique très bien la chose par le phénomène de thixotropie : un corps solide si on n’y touche pas peut devenir liquide si on l’agite, comme le fait d’habitude l’archevêque en agitant l’ampoule devant les fidèles.

 

Que penser alors des miracles ? Le Nouveau Testament les désigne par trois termes : dunameis (puissances), terata (prodiges), et semeia (signes). Pour les deux premiers, ce sont des transgressions des lois naturelles, et comme elles sont édictées par Dieu, on voit mal comment il voudrait transgresser ce qu’il a instauré. Mais l’essentiel est que ces prodiges proviennent non pas d’un acte souverain et unilatéral de Dieu venant à notre secours, mais d’une parole (rhèma) émanant de lui, à laquelle nous devons faire crédit pour qu’ils se produisent. Voyez ce que dit l’Ange à Marie lors de la scène de l’Annoncia­tion : « Nulle parole venant de Dieu ne sera sans effet. » La réponse de Marie est bien : « Qu’il me soit fait selon ta parole. » (Luc 1/37-38) C’est parce qu’elle lui fait confiance que le prodige de la naissance virginale peut s’accomplir. Si ce crédit n’est pas accordé, le miracle ne se produit pas. Il dépend donc de nous, et de nous seuls, qu’une parole accueillie soit performative, autoréalisatrice, c’est-à-dire fasse arriver ce qu’elle énonce. On est loin du miracle éblouissant des superstitieux passifs.

 

Que le miracle donc soit gagé sur l’accord d’un crédit préalable, c’est ce qui apparaît dans maints textes. Voici ce qu’on lit de Jésus revenu auprès des siens : « Il ne fit pas beaucoup de miracles à cet endroit à cause de leur manque de foi. » (Matthieu, 13/58). Ailleurs répondant à qui lui demande s’il peut guérir, Jésus s’exclame que ce pouvoir n’est pas le sien, mais celui du croyant : « ‘Si tu peux !’ Tout est possible à celui qui croit. » (Marc, 9/23)

 

... Mais plus important encore est le mot de signe. Un signe ne cherche pas à subjuguer, mais à faire penser, réfléchir, indiquer des directions. Le signe doit être interprété symboliquement, comme par exemple la guérison de l’aveugle de Bethsaïda (Marc 8/23-25). Si Jésus s’y prend à deux fois pour lui redonner la vue, ce n’est pas parce que sa puissance est insuffisante, mais parce que toute thérapie, ici l’ouverture vers les autres d’un être au départ muré en soi, doit se faire par étapes.

 

Dans la vie, il faut grandir, comprendre qu’il est vain d’attendre que ce qu’on espère arrivera sans qu’on y mette aussi la main. 

 

Article paru dans Golias Hebdo, 31 décembre 2020

 

#Religion. #Miracle. #Symbole.
D.R.

 

*

 

Sur la guérison de l'aveugle de Bethsaïda, voir :

 

 

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13 novembre 2023 1 13 /11 /novembre /2023 02:00

C

e mot désigne en psychologie la capacité qu’a le cerveau de réfléchir sur ses pro­pres processus mentaux, de ne pas se laisser influencer par une pensée immédiate, un jugement instantané, la possibilité de prendre de la hauteur par rapport à eux et de les relativiser. Ceux qui en sont incapables ne réfléchissent pas sur ce qu’ils pensent, et ce manque de plasticité peut être la source de nombreux drames.

 

Le premier mouvement nous trompe bien souvent. Par exemple la publicité pour le Loto, « Tous les gagnants ont tenté leur chance », nous fait croire que si nous jouons nous gagnerons à coup sûr. Ce qui est évidemment faux. Il y a là ce que les spécialistes appellent un « biais cognitif » : la publicité les exploite souvent pour faire passer ses messages. À nous donc de faire le tri, entre ce que nous croyons spontanément parce que cela nous fait plaisir, et la réalité.

 

Curieusement, j’ai pensé au manque de métacognition en revoyant sur LCP les deux excellentes émissions consacrées aux religieuses abusées par les prêtres catholiques (16 et 17 octobre derniers). On voyait bien que leur soumission venait d’une absence totale de réflexion sur ce qu’elles croyaient, sans doute pour y avoir été amenées par les élans de leur enfance et par leur éducation. Le prêtre pour eux était un personnage sacré, incarnant l’Église toute entière, et il ne leur est pas venu à l’esprit tout de suite qu’il pouvait être un pervers manipulateur. Elles n’ont pas vu que leur absence de réaction venait d’une projection valorisante qu’elles faisaient spontanément sur celui qui était en fait leur bourreau. Aussi n’ont-elles pas songé même à quitter immédiatement cette Église qu’elles chérissaient, de façon à demander, non pas excuse et compassion de sa part, mais nécessaires réparation et justice civiles, comme l’a dit Christian Terras dans le documentaire.

 

Des tyrans, La Boétie dit dans son Discours sur la servitude volontaire : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » On comprend bien que, si importante que soit sa police, un seul homme ne peut se faire obéir d’une grande masse d’hommes, s’il ne bénéficie pas d’une présomption de supériorité, d’un crédit, d’une confiance (fiducia) basés sur une projection admirative ou effrayée – et parfois les deux.

 

Ce sont nos croyances et nos peurs qui nous aliènent, quand nous ne comprenons pas que c’est en nous qu’est la source de nos asservissements. Bref, nous avons peur de notre ombre.[1]

 

[v. Confiance, Crédulité, Croyance]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 31 octobre 2019

 

[1] On peut voir là-dessus mon ouvrage Peur de son ombre... – La Lumière est en nous.

 

#Biais cognitif. #Projection psychologique. #Confiance (Fiducia).
D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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