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2 mars 2023 4 02 /03 /mars /2023 02:00

Q

ue mangerait Jésus ? Aux États-Unis les rayons des librairies regorgent de livres proposant des régimes alimentaires autour de cette si importante question…

 

Le Régime du Créateur, Le Régime Alléluia, Le Corps selon Dieu… tels sont quelques uns de leurs titres. Ainsi l’auteur de Maigrir pour la vie s’exclame-t-il : « Vous voulez que le monde vien­ne à Jésus ? Vivez comme lui, ressemblez-lui. Faites en sorte que quand les gens vous voient, ils voient le Christ en vous. »

 

C’est aussi le but que se fixait autrefois l’auteur de L’imitation de Jésus-Christ. Seulement il n’avait pas en vue l’amaigrissement du corps, mais le salut de l’âme – même si, à force de privations dues à une mortification quotidienne, le second pouvait entraîner le premier.

 

L’auteur de Que mangerait Jésus ? nous invite à ne pas nous laisser dominer par la chair et manger n’importe quoi : « Beaucoup de gens n’auront pas une alimentation équilibrée tant qu’ils ne seront pas responsables et qu’ils ne se demanderont pas : ‘Est-ce que Jésus mangerait ça ?’ avant de l’avaler. »

 

Selon ces auteurs, le régime christique était à base de céréales, de fruits frais, de graines et de noix. Aux diététiciens de dire s’il est bon. Mais si les gens qui le suivent ne perdent pas de poids, n’auront-ils pas l’impression d’être de mauvais chrétiens ?

 

On sait aussi les ravages qu’on fait certains régimes sectaires, par exemple celui de la macrobiotique, dénoncé par Roger Ikor après le suicide de son fils qui en était adepte.

 

On peut s’interroger sur cette « jésulâtrie », ainsi que sur cette vision extrêmement utilitaire et instrumentalisante de la religion. D’ailleurs où ces auteurs ont-ils pris cette certitude sur ce que mangeait Jésus ? Si on s’en reporte aux textes au contraire, contre les prescriptions alimentaires extrê­­mement restrictives des juifs, il a dit qu’on peut manger n’importe quoi, ou ce qu’on veut.

 

Car l’important n’est pas là. Il n’est pas dans ce qu’on ingère, mais dans ce qui sort de nous : paroles, regards, actions, etc ., qui peuvent aussi bien sauver que tuer, suivant l’intention qui s’y manifeste :

 

« Il n’est hors de l’homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller ; mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui le souille. » (Marc 7/15)

 

À l’évidence, cette seule règle de vie annule tous les régimes…

 

Article paru dans Golias Hebdo, 26 mars 2009

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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28 février 2023 2 28 /02 /février /2023 02:00

C

e mot n’a pas bonne presse aujourd’hui, en une époque habituée à regarder avec euphorie vers l’avenir. On le confond souvent avec passéisme, esprit rétrograde, bloqué dans des regrets stériles, empêchant d’avancer sur le chemin de la vie. Pourtant je voudrais ici en faire l’éloge.

 

Le mot signifie en grec : maladie du retour. Le problème est de savoir à quoi on veut faire retour. S’il s’agit simplement de regretter le passé pour s’éviter de vivre le présent, c’est évidemment un désir vain et même dangereux de stagnation, celui-là même que condamne Jésus dans l’Évan­gile : « Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n’est pas propre au royaume de Dieu. » (Luc 9/62). Il faut en effet « se souvenir de la femme de Lot » (ibid. 17/32) Elle fut changée en statue de sel, s’étant retournée pour voir Sodome en flammes.

 

De la même façon Orphée perdit Eurydice, s’étant retourné trop tôt pour la voir. Et Pirithoüs, ami de Thésée, ne put pas sortir des Enfers, pour s’y être attardé. C’est ce qu’on pourrait appeler le complexe du rétroviseur, où la régression empêche la progression.

 

Mais il y a deux régressions : l’une subie dans le rattachement infantile au passé, et l’autre choisie dans le retour volontaire à l’enfant spirituel que chacun porte en soi, tel celui que saint Christophe porte sur son épaule : cet enfant en réalité est lui-même, celui qu’il a été autrefois, qu’il a peut-être oublié et trahi dans sa vie d’adulte, mais qui peut le guider maintenant. Porteur, il est en fait porté par lui.

 

La vraie nostalgie n’est pas vain soupir sur ce qui n’est plus, mais fidélité à soi-même, à ce qu’on a de plus précieux : l’enfant éternel, spirituel, que chacun porte en soi.

 

On comprend alors que le même Jésus qui condamne la régression négative fasse l’éloge de l’état d’enfance : « Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point. » (Marc, 10/15)

 

Dans ce cas précis on ne retombe pas en enfance, on y remonte. Au fond, dans la vie le choix est simple : ou l’on se laisse aller à vau-l’eau, char­rié par le courant, ou bien on remonte à sa Source première : bois mort, ou saumon vivant ? C’est de cette Origine salvatrice qu’il faut avoir, pour revivre vraiment après cette capitulation qu’est toute vie d’adulte, une authentique nostalgie.[1]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 10 décembre 2009

 

[1] Voir des développements à cette chronique dans mon livre La Source intérieure :

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26 février 2023 7 26 /02 /février /2023 02:00

D’

après un sondage récent, 77% des Français sont pour l’apprentissage de la Marseillaise à l’école.

 

La musique martiale en fait sans doute oublier les paroles, qui sont celles d’un hymne belliqueux, sanguinaire et raciste (le « sang impur » !) : il n’adoucit pas forcément les mœurs.

 

Bien sûr on nous dit qu’il faut contextualiser : c’est d’une violence fondatrice, celle de la Révolution, que vient notre pays, et c’est au maître de l’expliquer aux élèves. Aussi la cohésion nationale est ici en jeu, et sans doute ne faut-il pas être trop regardant sur les paroles, pourvu qu’on les chante à l’unisson, pour souder et galvaniser le groupe.

 

Tout de même, on aurait pu il me semble chercher autre chose, et certains pays ont des hymnes plus doux, voire bucoliques : beaucoup par leur origine sont des chants de recueillement, et n’invitent pas forcément à doublement marcher pour aller égorger son voisin.

 

Au fond, la musique qui fait aller au pas ne se soucie guère du message : elle est un massage, et le rythme qui nous fait frissonner se suffit à lui-même. Il emporte toute raison : la transcendance collective l’emporte sur l’individu.

 

C’est le cas en général de la transe et de la danse, qui à y bien regarder sont terrifiants : voyez les rassemblements de musique techno, par exemple. Le corps s’agite mieux quand la tête est vide, et s’assourdit de décibels. L’instrument qui fait le plus de bruit est le plus creux : la grosse caisse.

 

L’ont bien compris aussi les fondamentalistes religieux, et par exemple les évangéliques d’au­jourd’hui. Au son de la musique et du rythme, ils font passer le fond le plus traditionnel : en christianisme, par exemple, la vertu salvatrice du sacrifice expiatoire, qui existe certes dans d’anciens textes, mais qu’on pensait dépassée par une approche théologique plus moderne. Cela fonctionne très bien chez les jeunes, que cette musique séduit précisément parce qu’elle empêche de penser.

 

Ces mouvements, qui ont aujourd’hui le vent en poupe, ont changé la forme de l’ancienne construction religieuse, mais gardé le fond, à l’inverse exact d’une pensée plus libérale et plus mûrie, qui a pu encore garder la première, par habi­tude de cadre, mais a changé le second. Cependant il serait dommage que désormais l’émo­tion et le trémoussement l’emportent sur la réflexion.

 

[v. Comparaison]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 3 décembre 2009

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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